Des apports excessifs de phosphore dans les eaux douces induisent un phénomène d’eutrophisation qui s’accompagne généralement d’un développement important d’algues et d’un appauvrissement de l’eau en oxygène, critique pour certains organismes aquatiques[1]. Les cours d’eau touchés par ce phénomène risquent de ne pas atteindre le bon état écologique exigé par la directive-cadre sur l’eau (DCE) 2000/60/CE q.
Le phosphore est l’élément nutritif majeur qui influence le développement de la biomasse algale dans les eaux douces alors qu’il s’agit de l’azote dans l’eau de mer. C’est pourquoi, outre les teneurs en orthophosphates, les teneurs en nitrate dans les cours d’eau
q font l’objet d’un rapportage obligatoire (directive “nitrates” 91/676/CEE
q ) afin d’évaluer leur contribution à l’eutrophisation de la mer du Nord. À noter que l’eutrophisation n’est pas un phénomène local et ponctuel mais doit s’envisager à des échelles spatio-temporelles larges. En effet, les apports excessifs de nutriments peuvent provenir de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres et ne parvenir aux milieux aquatiques récepteurs qu’après plusieurs décennies
(a).
Les cours d’eau les plus eutrophes au nord
Sur la période 2016 - 2018, les cours d’eau qui présentaient les teneurs les plus élevées en orthophosphates étaient principalement situés dans le bassin de l'Escaut[2] et dans le sous-bassin de la Meuse aval (Geer). Ce territoire présente une densité importante de zones urbanisées et industrielles (rejets d'eaux usées) ainsi que de nombreux sols agricoles enrichis en phosphore et sensibles à l'érosion q. En outre, ces cours d'eau enregistrent des débits assez faibles q, ce qui renforce les impacts négatifs des apports en phosphore dans les cours d'eau.
Au regard des normes q fixées pour les orthophosphates, sur la période 2016 - 2018[3], 33,3 % de l’ensemble des sites (81 sites) du bassin de l’Escaut présentaient une eau de qualité bonne à très bonne et 53,1 % des sites présentaient une eau de qualité médiocre à mauvaise ; sur la période 2013 - 2015, ces proportions étaient respectivement de 41,3 % et 41,3 %. En ce qui concerne les bassins de la Meuse, du Rhin et de la Seine[2], sur la période 2016 - 2018, 69,7 % de l’ensemble des sites (254 sites) présentaient une eau de qualité bonne à très bonne et 14,6 % des sites présentaient une eau de qualité médiocre à mauvaise ; sur la période 2013 - 2015, ces proportions étaient respectivement de 78,2 % et 9,2 %. Les années 2017 et 2018 ont été particulièrement sèches, ce qui pourrait expliquer la détérioration observée par rapport à la période précédente.
Une amélioration globale caractérisée par des variations interannuelles
Les teneurs en orthophosphates dans l’eau ont globalement baissé depuis la fin des années ’90 en raison de divers facteurs tels que :
Cette amélioration globale se caractérisait cependant par des variations interannuelles surtout liées à :
- l’augmentation des débits des cours d’eau certaines années (2013 et 2016 p. ex.) qui a pour effet de diminuer la concentration en phosphates ;
- la diminution des débits certaines années sèches (2017 p. ex.) qui a pour effet d’augmenter la concentration en phosphates ;
- des apports diffus (ruissellement, particules de sol érodé q) plus importants les années pluvieuses, en particulier au nord du sillon Sambre-et-Meuse où les taux de saturation des sols en phosphore sont plus élevés (apports d’engrais).
La mise en œuvre des mesures listées dans les deuxièmes Plans de gestion des districts hydrographiques (PGDH) 2016 - 2021[5] et certaines mesures du Programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA)[6] ont pu également contribuer à l’amélioration observée. Les mesures existantes devraient être renforcées au moyen des troisièmes PGDH 2022 - 2027[7] et des programmes de mesures associés en cours d’élaboration. Les PGDH 2022 - 2027 devront être adoptés au plus tard le 22/12/2021.
De l'eutrophisation des cours d'eau à l'eutrophisation marine
Les charges en orthophosphates et en nitrate des rivières wallonnes contribuent à l’eutrophisation de la mer du Nord. Selon une étude basée sur une modélisation[8], pour atteindre le bon état écologique des eaux côtières de la mer du Nord requis par la DCE initialement pour 2015 et par extension pour 2021 et 2027, il est nécessaire de réduire les concentrations en azote inorganique de 41 % à l’embouchure de l’Escaut et de 73 % à l’embouchure du Rhin et de la Meuse, et de réduire les concentrations en phosphore inorganique de 23 % à l’embouchure de l’Escaut et de 70 % à l’embouchure du Rhin et de la Meuse, par rapport à la période 2000 - 2010. Les contributions respectives des états riverains devraient être évaluées.
Pour plus d’information sur les impacts de la dégradation de la qualité de l’eau sur les organismes aquatiques, voir la fiche d’indicateurs relative à l’état biologique des masses d’eau de surface q
Sous-bassins de l’Escaut : Dendre, Dyle-Gette, Escaut-Lys, Haine, Senne ; sous-bassins de la Meuse : Amblève, Lesse, Meuse amont, Meuse aval, Ourthe, Sambre, Semois-Chiers, Vesdre ; sous-bassin du Rhin : Moselle ; sous-bassin de la Seine : Oise
[3] Les données de 2017 sont reprises uniquement en l’absence de données en 2018 ; les données de 2016 sont reprises uniquement en l’absence de données en 2017 et 2018.
[4] Cependant, le règlement (UE) n° 259/2012 q ne s’applique pas aux détergents pour machine à laver à usage industriel (blanchisseries, hôtels, hôpitaux…) ni aux détergents pour lave-vaisselles automatiques à usage professionnel ou industriel.
Voir les Plans de gestion des districts hydrographiques 2016 - 2021 q et la fiche d'indicateurs "Plans de gestion des districts hydrographiques" q
[6] Voir l’AGW du 13/06/2014 q et la fiche d’indicateurs "Programme de gestion durable de l’azote en agriculture" q
[7] Voir les États des lieux q réalisés conformément aux exigences de la directive-cadre sur l'eau (DCE) 2000/60/CE q en vue d’élaborer les troisièmes Plans de gestion des districts hydrographiques
Projet européen EMoSEM 2013 - 2014(b) (c)